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MiLA Tu
4 janvier 2009

Le synopsis

Lever de soleil sur la brousse maasaï. Il est 7 heures du matin, Mama Seita nous conduit au premier jour de la fête. Elle explique que nous allons assister à un rite de passage alternatif. Une jeune fille va devenir adulte. Un étroit chemin est déjà tracé dans la plaine, nous l’empruntons. Nous croisons les troupeaux qui, comme chaque matin, partent vers les pâturages.

Au village, c’est Nasumbar Kepara qui nous accueille. Elle est la « mère » du village. Tout est encore calme. Les hommes seront à l’écart de cette journée, animée exclusivement par les femmes. Quelques-unes amènent une branche d’arbre verdoyante devant l’enclos du village. Nasumbar Kepara explique que c’est l’arbre sacré... Après avoir choisi une chèvre dans l’enclos, deux femmes tournent plusieurs fois autour de l’arbre sacré déposé à terre, la chèvre dans les bras. Le grand frère de Nashipaï, qui a le statut du père, décédé, veille au bon déroulement du rite. Il explique le rituel de la chèvre. A l’entrée de la boma (maison) où Nashipaï reste dans le noir, à l’écart, deux femmes se chargent d’étouffer puis de dépecer la chèvre.

« Dieu a fait le corps de la jeune fille ainsi, il ne faut pas le changer », explique Mama Seita. Nous sommes dans son salon. Les napperons sur les fauteuils posés à même la terre donnent à la pièce une allure de maison de poupée. « Moi je suis professeur, je donne des cours sur les dangers du sida et de l’excision. A la maison, je sensibilise aussi mes filles là-dessus. Aujourd’hui, l’excision n’a pas de sens, ça appartient au passé. Ca fait juste mal. »

Toujours dans l’entrée de la boma, les femmes s’amusent à confectionner un collier pour la jeune fille, avec la viande de chèvre. Ambiance... féminine. On essaie le collier, on s’applique dans la confection des bijoux. La jeune fille va être rasée, toujours à l’entrée de sa boma. Elle se lave, s’installe sur un petit tabouret, dans la lumière du jour. On la rase. Mama Seita explique : « C’est un nouveau commencement pour elle. Ensuite, on cache les cheveux coupés sous son lit, afin d’éviter que quelqu’un s’en serve pour faire de la sorcellerie. »

Un peu plus loin, au pied d’un arbre aux fleurs rouges, Nasumbar Kepara, la « mère » du village, se confie. Elle est une ancienne exciseuse. Elle raconte ce métier, comment on le lui a enseigné, ce qu’elle a ressenti la première fois qu’elle l’a fait. Elle dit aussi qu’une fille non excisée aime bien faire l’amour, à l’inverse des femmes à qui l’on a retiré le clitoris. Dans un éclat de rire signe de sa timidité, elle confie qu’elle, elle déteste ça.

Dernière étape de ce premier jour : faire le tour de l’arbre sacré... des crottes de chèvre entre les orteils. Comique. Exercice d’agilité pour Nashipaï, qui lui enseigne qu’il faut s’accrocher à ce qu’on a dans la vie... Puis les femmes retournent dans la boma dans un rituel comique qui provoque l’hilarité générale. C’est la fin du premier jour pour Nashipaï.

Ecole Noonkondin de Monduli. Lucy, l’éducatrice, se présente et explique que depuis novembre 2006, elle recueille des filles qui ont fui l’excision. Une dizaine sont actuellement scolarisées dans cette école. Elle nous fait visiter l’école, la cour, le réfectoire, et entre dans le dortoir. C’est l’heure la plus chaude de la journée, les jeunes filles se reposent sur une dizaine de lits superposés. Dans l’intimité du dortoir, l’une d’entre elles se confie, raconte sa fuite, son histoire. Lucy rassure ses protégées et leur explique que ce n’est pas l’excision qui rend adulte.

Bureau de police d’Arusha : Evarist Mangalla, commissaire adjoint, explique que beaucoup de tribus pratiquent l’excision en Tanzanie. C’est pourquoi l’Etat a fait une nouvelle loi qui l’interdit. Dix ans de prison.

Village de Monduli. Des Maasaï à vélo traversent le village. Les enfants jouent au football. Herieth a 21 ans. Elle a toujours vécu à Monduli. C’est une jeune femme pleine d’énergie et de charme. Elle raconte avec passion qu’elle travaille pour l’association Aang Serian. Elle aussi donne des cours aux femmes sur les dangers de l’excision. Les jeunes filles qui parviennent à fuir viennent ici à Monduli, au bureau de police. C’est elle qui est chargée de prendre leurs récits. Mais le gouvernement ne fait rien d’autre que de mettre les gens en prison.

Retour au bureau de police. « Beaucoup ont peur de venir jusqu’au bureau de police car elles savent que personne ne les protègera ensuite. » Le commissaire explique que « le gouvernement n’a pas de centre pour accueillir ces jeunes filles en fuite. Il n’y a pas de safe house ici en Tanzanie. »

C’est le deuxième jour du rite pour Nashipaï. Cette fois, les hommes sont actifs : la journée commence par le sacrifice d’une vache noire, loin du village. Leboy, jeune Maasaï, explique le sens de ce sacrifice. 

Engobe a la cinquantaine. Assis devant sa maison, il se présente : il travaille pour l’association Aang Serian, comme Herieth. « Au début, les gens étaient surpris de ce que je leur disais, car l’excision fait partie intégrante de nos coutumes. Les premiers à accepter l’abandon de l’excision ont été les Chrétiens, car dans la Bible, il n’est écrit nulle part qu’une fille doit être excisée. »

Mama Seita, comme lui répondant, explique qu’au début, l’idée de ces rites alternatifs de passage a été très mal accueillie. On lui a dit qu’elle était folle, on l’a insultée. Après trois séminaires, les gens se sont habitués à l’idée. Elle dit aussi que ce serait bien d’avoir un salaire pour faire ce travail à l’association Aang Serian.

Herieth nous emmène à une grande réunion au milieu de la brousse, sous un arbre immense qui protège du soleil. La réunion est organisée par l’association Aang Serian. Les femmes sont réunies, assises dans l’herbe, le vent qui joue avec leurs bijoux fait retentir une douce mélodie de perles et de métal entrechoqués. Aujourd’hui est un jour important, on leur remet des diplômes ! Des diplômes qui les félicitent d’avoir cessé d’exciser. Plusieurs d’entre elles le brandissent fièrement devant la caméra. Elles rient. Elle ne savent pas qu’elles le tiennent à l’envers. D’ailleurs, une l’avoue : elle ne sait ni lire ni parler swahili.

Melubo, de l’association Aang Serian, qui vient de leur remettre les diplômes, explique qu’eux les Maasaï, ils possèdent un savoir traditionnel, celui de l’agriculture, de l’élevage. Mais qu’il existe une autre sorte de savoir, celui des scientifiques, qui aide à comprendre que leurs filles auront des problèmes si elles sont excisées.

A l’écart, Rosa se présente, elle est une ancienne exciseuse. « On nous a donné 12 000 shillings, parce qu’on est venu au séminaire au lieu de rester à la maison. » Elle explique qu’être excisée, on s’y habitue, « c’est comme se faire tresser les cheveux. Tu ne réfléchis pas, tu te laisses faire ». Puis elle évoque d’autres grands changements qui s’opèrent dans la société maasaï, parallèlement à l’abandon de la pratique de l’excision. Les filles aussi peuvent hériter d’un champ désormais. 

Retour à la cérémonie. A l’intérieur de la boma, une ancienne aiguise une lame de rasoir. Le rayon de soleil qui pénètre au cœur de la pièce fait comme un couloir de lumière dans lequel flotte l’épaisse fumée du feu. Nashipaï est installée dans l’entrée de la boma, face à la lumière. Elle écarte les jambes. Son visage est impassible. Sa grand-mère lui fait quatre petites incisions sur les cuisses, crache sur elle du lait, symbole de fertilité. Des youyous retentissent pour annoncer la bonne nouvelle. Mama Seita nous explique chaque geste.

La fête peut commencer. Des jeunes Maasaï affluent des quatre coins de la brousse. Ils annoncent leur arrivée au son grave d’une corne. Leur nombre est impressionnant, tout comme leurs chants traditionnels. Ensemble, ils dégagent une puissante énergie.

A l’ombre des buissons, les anciens sont éméchés. Une femme est assise sur les genoux d’un homme au milieu des autres, alors que tout geste d’affection est tabou dans cette société. Ils chantent comme les jeunes alors que ça n’est plus de leur âge.

Les sauts des jeunes dans la terre font monter une fumée de poussière. Le soleil de fin de journée est orange. Les enfants imitent les ado. Les filles se joignent aux garçons. Un Maasaï danse devant la caméra. Il explique que « Ca, c’est le disco des guerriers ».

C’est un ancien qui a le mot de la fin. Sereinement, il explique qu’une nouvelle ère est arrivée, que nous sommes dans une nouvelle étape à présent.

Après quatre jours, on enlèvera l’arbre planté devant la boma, Nashipaï pourra à nouveau voir la lumière du jour.

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